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Sartre en diable

 

Cet essai consacré à Sartre paraît la même année que le Claudel. Il en constitue l’envers. Il s’agit d’explorer la fascination sartrienne pour les réfractaires. Apprendre à penser contre soi-même : la leçon de Sartre n’a pas fini de nous hanter. En m’intéressant à la figure du Diable, omniprésente dans son œuvre, je peux ici m’interroger sur une autre forme de fécondité, pour l’esprit, qui consiste à se plonger dans les ténèbres, à y goûter une autre intranquillité, solaire à sa manière. La pensée du mal est une autre manière, pour l’esprit, de s’exhausser, de sortir du régime de tiédeur où il risque toujours de retomber. Il y a une lumière de la nuit que nous devons interroger, aussi, de toutes nos forces.

Aux lecteurs qui s’étonnent que l’on puisse passer de Claudel à Sartre, de la plus haute croyance à la plus complète incroyance, la coexistence de ces deux essais tend à montrer qu’il n’y a pas, dans l’espace littéraire, de frontières. Nulle contradiction à passer de l’un à l’autre, mais la mise en branle de facultés intellectuelles et spirituelles éminemment complémentaires. Comme si la foi et le désenchantement ne partageaient pas les mêmes structures de pensée, comme si le désespoir n’était pas la condition même de la béatitude.

De Barrès à Hugo, de Claudel à Sartre, voilà que ma bibliographie commence à apporter un sérieux démenti aux bâtisseurs de chapelles et de clans. Je trouve chez Sartre un élément essentiel de la vie de l’esprit – la liberté. Une liberté qui scrute tous azimuts et n’exclut rien a priori, cherche moins à faire le tour d’une idée que de voir vers quel espace inconnu elle peut mener. J’aime chez Sartre cette manière de ne pas être dupe du jeu de l’incroyance – l’athéisme, pour lui, n’étant le plus souvent qu’une foi à l’envers (« La décisive absence de foi est une foi inébranlable », Lettres au Castor I, p.40).

Quatrième de couverture : « Dans Les Mots, Sartre raconte l’histoire d’un fou enfermé à Sainte-Anne, criant dans son lit qu’il est le prince, ordonnant qu’on mette le Grand-Duc aux arrêts. Les infirmiers s’approchent de lui et lui disent à l’oreille de se moucher. Puis ils demandent au malade quel est son métier. Celui-ci répond qu’il est cordonnier. Sa voix s’apaise un instant mais soudain il se remet à crier, il se prend de nouveau pour le prince. Sartre conclut cette anecdote en disant que nous sommes tous comme cet homme, sempiternels cordonniers qui se rêvent princes. Sur le modèle de cette petite histoire, écoutons cette autre : un écrivain est seul dans une pièce. La pénombre s’est faite autour de lui. D’où vient cette obscurité, on l’ignore. Est-ce la cécité du vieil homme, la solitude à laquelle toute œuvre qui fut grande est condamnée par ceux qui lui survivent, les malentendus qui entourent une pensée trop mobile et trop réfractaire ? Toujours est-il que la silhouette est désarmante et qu’elle se met soudain à murmurer : « Je suis le Diable ». On s’approche, on est un peu effrayé, on demande : « Qui est là ? ». On s’habitue à l’ombre ou une lumière a fait son apparition, on ne sait pas, mais toujours est-il qu’on voit un homme au visage jovial. C’est Jean-Paul Sartre, l’homme qui a voulu rêver qu’il était le Diable » [E.G.].

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