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Un prince

 

Qui se cache sous la silhouette de ce « prince », rencontré au détour d’un parc ? Quelle est l’origine de cette aura qui fait que lorsqu’on le croise, on ne peut plus l’oublier ? Jean-Pierre Lemaire dans sa préface le compare au prince Mychkine de Dostoïevski mais la silhouette de celui-ci, écrit-il, « est encore plus mystérieuse, plus proche de la frontière de ce royaume qui est notre vie même si nous savions la vivre comme il faut ».

Lire la critique : de Fabrice Hadjadj dans le Figaro Littéraire (18/10/12), de Francis Collet sur Radio Campus (01/12/12), de Christophe Langlois dans Christus (07/13), d’Alain Marc sur La Cause littéraire (02/04/16).

 

 

 

 

 

 

 

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Une réponse à “Un prince”

  1. Loïc Bertrand dit :

    Un exercice spirituel : Un prince d’Emmanuel Godo
    Le prince d’Emmanuel Godo n’est pas un grand seigneur – ou, du moins, pas comme on l’entend d’ordinaire, dans l’affadissement des mots que l’usage transforme en poncifs – mais un revenant. Il hante le chemin de halage qui constitue la voie sacrée sur laquelle l’auteur fait mine de se promener mais où il a conscience de ‘deguise[r] ses danses indiennes et son vaudou’ sous l’apparence anodine de la promenade. Car il s’agit bien de revenir sur le passé, de retourner à soi, à son existence comme à son défaut d’être, d’oser redéfinir le temps et l’espace en les enracinant dans la subjectivité d’une expérience spirituelle qui, édition oblige, s’avoue comme telle face à un monde qui souvent traite avec mépris ou indifférence ce qu’il faut bien appeler la grâce, « avec tous les sous-entendus, y compris religieux, qui peuvent s’attacher au mot ». Mais qu’on se rassure ; le regard n’est ni pieusard ni condescendant : il procède d’une reconnaissance à l’égard de celui dont l’absence et la présence ont permis, enfin, au mutisme de prendre le risque de l’écriture. Pour autant, rien d’ostentatoire, d’appuyé ou de clinquant dans cette évocation dont la grandiloquence – revendiquée contre la ‘blancheur’ ou le ‘refus de l’emphase’ contemporains – tient davantage à l’intensité de l’expérience intérieure qu’à une sophistication stylistique empruntée, pour ne pas dire plagiée. Car, si la figure attachante et fugace du prince, semble sortir de cette bibliothèque idéale dont l’auteur ne s’éloigne jamais, il n’est en rien la réécriture d’un de ces héros ou anti-héros qu’Emmanuel Godo connaît bien, pour les enseigner, les fréquenter ou, mieux, converser avec eux dans ces lieux de rencontre que sont les livres, pour cette simple raison qu’Un prince n’est pas un roman. Il est avant tout une matière qui résiste, qui se polit peu-à-peu dans cette longue et unique phrase qui le constitue et qui, comme le tour du potier, ne s’arrête jamais de façonner la glaise de notre identité, de notre vie. Ici le temps se matérialise, s’épaissit par les mots et prend corps et visage malgré les réticences, les difficultés à dire, la pudeur qui se cache dans la prétérition ou le conditionnel et se laisse retrouver au fur et à mesure que l’espace du parc se parcourt et recouvre celui du royaume auquel l’auteur refuse délibérément la majuscule. Le prince, en effet, n’est que le caillou minuscule qui sera l’occasion de ce qu’Emmanuel Godo s’excuse de devoir appeler une épiphanie (‘imaginez que l’on trébuche sur de l’invisible’) ; car le prince est une entité d’un autre monde, d’un ailleurs-ici et d’un autrefois-maintenant, qui n’existe que pour avoir été et nous oblige à sortir du ‘capharnaüm de nos négligences’ pour que nous nous consacrions enfin à l’essentiel : la vanité des Matamore que nous sommes tous, ‘les rodomontades d’enfants gâtés’, ‘le puits sans fond de la vérité’.
    Un prince, surtout, c’est du temps qualifié, qui n’est ni celui de l’histoire, ni celui ‘que l’on mesure avec des horloges et des agendas’, du temps, oserais-je le dire, liturgique. Suscitée par le souvenir qui n’est jamais commémoration, la figure du prince s’incarne pour le lecteur ‘sans avoir besoin de faire le récit de ce qu’il a vécu’ car c’est le temps qu’il s’agit d’habiter, non la mémoire circonstanciée. Comme au Golgotha, il ne reste que ‘le lieu informé par les heures’ et ‘une journée intérieure’ que l’on pourra, c’est selon, qualifier ‘d’idéale’ au regard du royaume immatériel que le langage du monde, trop terre-à-terre, ne peut approcher que par approximations et reformulations prudentes. La liturgie a ses mots : Emmanuel Godo cherche les siens, en fait l’essai, dissipe les malentendus et finalement, après quelques tentatives parvient enfin à dire qui a été le prince, ou plutôt à ‘atteste[r]’, dans le bel élan ascendant des dix dernières pages, qui il a été pour lui, pour nous, ‘fragment de vérité et de paix donné dans l’anonymat de sa présence’. Avec infiniment de précaution et de délicatesse, Emmanuel Godo ramasse cette pépite de temps et d’espace, la contemple, la décrit avec prudence et en parle sans indiscrétion, ne voulant en donner qu’une ‘confidence à peine’, ‘comme s’il fallait parler de [s]oi’. C’est que son oraison, à la fois hommage et prière, s’efface devant l’invisible et, comme ‘une musique recueillie aux abords de l’absence’, ne commet pas l’erreur de voler la vedette à celui dont elle veut parler car sa voix se fait entendre à tous sans s’adresser à chacun dans ses particularités et ses illusions de singularité. À proprement parler, son discours ne nous est pas adressé mais il nous permet de l’écouter et de nous associer à cette belle salutation à la vie qui tient à la fois de l’adieu et de la célébration. On en sort édifié et comme gracié. Merci.

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